Un leurre

ROMANS, PROSES


Iouri Felsen

Un leurre

Traduit et présenté par Marianne Gourg



ISBN : 978-2-487698-15-4

 Lire un extrait

  • Présentation

Iouri Felzen (1894-1943) a décrit dans ses romans la vie d’un écrivain russe émigré à Paris et a fait de ce dernier un héros typique de sa génération, un héros de son temps. Déraciné, neurasthénique, hanté par la mort, faible et incapable de s’intégrer à la société française, il écrit sur lui-même en tentant de greffer la prose proustienne sur la prose russe. Ce faisant, il pense sauver la liberté, valeur dont, au contraire des Français qui l’entourent, il connaît tout le prix. Avant Nabokov et son roman Le Don, Felzen prend ainsi part à la polémique qui portait sur la possibilité d’une littérature russe en exil. Pour lui et son héros, écrire revient à combattre pour l’individu et la liberté, dans une Europe qui a perdu tout repère depuis la Première Guerre mondiale. Son héros n’est pas tant un exilé russe qu’un Hamlet européen qui se bat pour préserver les valeurs essentielles de l’humanité dans une Europe qui se retrouve une nouvelle fois au bord de l’abîme.

 

Iouri Felzen (pseudonyme de Nikolaï Bernardovitch Freidenstein) est l’un des représentants les plus intéressants et les plus attachants de la dite « jeune génération » des écrivains émigrés de l’entre-deux-guerres, c’est-à-dire de ceux qui ont fait leurs débuts littéraires en exil. Il est né à Saint-Pétersbourg, en 1894. Après des études de droit, il est entré en 1917 à l’École d’Artillerie Michel,  avant  de  fuir  les  bolcheviks  d’abord  à  Riga  puis  à  Paris  où  il s’installe, après avoir passé quelque temps à Berlin, en 1924. Arrêté près de la frontière suisse, il mourra à Auschwitz en février 1943, comme l’a fixé Leonid Livak. Outre divers articles et recensions, il a publié trois romans et quatorze récits dont cinq au moins sont des extraits du ou des volumes qui devaient compléter sa série romanesque. Cette série, dont seuls trois tomes ont été achevés et publiés : Un leurre (Obman, 1930), Le Bonheur (Chaste, 1932) et Lettres sur Lermontov (Pisma o Lermontove, 1935), décrit la vie en exil d’un jeune écrivain, Volodia, que nous suivons sur une dizaine d’années. Le personnage central, qui est aussi le narrateur autodiégétique des romans, est donc un alter ego de l’auteur, sans que, bien évidemment, il ne faille assimiler Felzen à son personnage. Ce Volodia, qui mène la vie typique d’un exilé de sa génération, et nous allons y revenir, n’est pas le seul émigré à figurer dans ces romans. Et ce d’autant plus que le héros n’a aucun ami français. Il vit dans un microcosme russe, si bien que tous les personnages des romans, au demeurant fort peu nombreux, sont aussi des Russes exilés. Cela traduit on ne peut plus explicitement l’isolement de Volodia qui vit à l’écart de la société française. Outre le Narrateur et la femme qu’il aime (Elena Gerd, dite Lelia), elle aussi une émigrée russe, ils ne sont que six, distribués en deux groupes de trois dans les deux premiers 2  romans, Un leurre et Le Bonheur, les Lettres sur Lermontov ne comptant que les deux personnages principaux (le Narrateur et Lelia, destinataire de ses lettres).

Représenter l’émigration russe, donner un tableau du Paris russe, n’a jamais fait partie du projet de Felzen. Et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles les personnages sont si peu nombreux. Ils jouent avant tout un rôle dans les amours difficiles du Narrateur : les trois hommes sont ses rivaux dans le cœur de la femme aimée, les trois femmes les rivales de Lelia. Peu détaillés, leurs portraits comprennent néanmoins quelques traits typiques, par exemple le métier de ces Russes à Paris. L’un d’eux, ancien officier des armées blanches, est serveur dans un restaurant russe chic. Sa compagne est caissière dans un autre restaurant russe ; une autre, Ida Ivanovna, est à la tête d’un atelier de modiste. Ces personnages semblent figurer l’émigration que l’on pourrait qualifier de laborieuse, porteuse d’un désir d’assimilation qui se réduit au fait qu’ils font des économies dans l’espoir d’un avenir exempt de tout souci d’argent. Ils semblent s’adapter relativement facilement à leur situation d’exilé et recherchent la stabilité, ce qui n’est pas le cas du Narrateur. Au demeurant, tous ces personnages sont montrés hors de leur activité professionnelle. Ce sont uniquement des soirées que le Narrateur passe avec eux, tantôt chez Lelia tantôt dans un café ou un bar, le plus souvent à Montparnasse mais aussi à Montmartre. Les romans ne donnent donc aucun renseignement sur la vie quotidienne, le « byt » des émigrés, ils ne mentionnent même  pas  les  difficultés  liées  aux  papiers  d’identité,  comme  beaucoup d’autres récits de l’époque.

C’est sur ce fond à peine esquissé de la société russe parisienne que se détache le héros principal. Bien qu’il soit lui aussi un émigré, il s’oppose aux autres personnages en ce qu’il est au premier chef un intellectuel et un écrivain dont la vocation est avérée même s’il n’a jamais rien publié. Il aimerait pouvoir se consacrer entièrement à l’écriture, mais ses revenus aléatoires l’en empêchent. Il n’occupe pas d’emploi fixe et gagne sa vie comme intermé- diaire entre divers hommes d’affaires. Il lui arrive également de traduire pour compléter ses revenus.  Contrairement aux autres personnages, il n’a donc pas d’ancrage dans la société parisienne et jouit d’une liberté qui semble illimitée. Il mène une vie relativement isolée dont les deux pôles sont l’écriture et la femme aimée, quand il ne travaille pas, une vie assez terne qui ne fait pas son bonheur.

 

 

Recherche

Recherche par livre, auteur ou mot-clé

Lettre d'informations