POÉSIE D'AMOUR
William Butler Yeats
Les Poèsies d'amour (Y.)
Le 30 janvier 1889, lorsque Maud Gonne arriva en fiacre devant le n°3 de Blenheim Road dans la banlieue londonienne de Chiswick, ouÌ€ la famille Yeats reÌsidait alors, la vie et l’œuvre du ceÌleÌ€bre poeÌ€te irlandais William Butler Yeats s’en trouveÌ€rent aÌ€ jamais transformeÌes. Yeats avait vingt-quatre ans, Maud vingt-trois. Ils eÌtaient tous les deux jeunes, lui poeÌ€te prometteur sans le sou issu d’une famille aÌ€ la fibre artistique, elle deÌjaÌ€ indeÌpendante, riche, fille d’un colonel de l’armeÌe britannique aux origines irlandaises. DeÌ€s le premier regard, il tomba eÌperdument amoureux de Maud, dont la beauteÌ eÌtait deÌjaÌ€ connue de tous, non moins que son caracteÌ€re impeÌtueux, farouche figure de la cause feÌministe et nationaliste en Irlande. Cet amour fou, obsessionnel de Yeats pour Maud Gonne allait profondeÌment marquer son œuvre poeÌtique, et ce jusqu’aÌ€ la mort de Yeats en 1939. Maud incarnait aÌ€ ses yeux LA femme, femme fatale et impitoyable, qui ne cessa de refuser ses multiples demandes en mariage. DeÌ€s ses premiers recueils, Yeats fit de Maud « La Rose du Monde », rose de l’amour mais aussi rose de l’Irlande, incarnation d’un « renouveau celtique » culturel et politique, qui tentait de s’affranchir de la domination de l’Empire britannique. Mais la muse irlandaise ne cessa de tourmenter le poeÌ€te, se refusant aÌ€ lui tout en se donnant aÌ€ d’autres. Yeats n’en freÌquenta pas moins d’autres femmes, qui apparaissent aussi dans ces poeÌ€mes : Olivia Shakespear, Iseult, la fille de Maud Gonne, et la femme qu’il eÌpousa, Georgie Hyde-Lees, dont le don pour « l’eÌcriture automatique » allait lui permettre de renouveler son inspiration poeÌtique. L’aÌ‚ge venant, Yeats ne cessa de chercher l’amour sous toutes ses formes, et meÌ‚me marieÌ eut encore des aventures avec d’autres jeunes femmes, comme Dorothy Wellesley. Mais la figure de Maud Gonne le hanta jusqu’aÌ€ la fin de sa vie, et il continua aÌ€ s’adresser aÌ€ elle aÌ€ travers ses poeÌ€mes encore et encore, n’attendant de sa muse aux cheveux strieÌs de blanc qu’une «conversation sous la lampe dont ils avaient voileÌ la lumieÌ€re», comme le dit Yves Bonnefoy, « aÌ€ propos d’un art et d’une beauteÌ qui leur sont resteÌs des eÌnigmes ».