Un étudiant allemand sans le sou sort de son cours d’anatomie à l’université de Leyde où il a disséqué un cadavre ressemblant trait pour trait à son amie. Il sombre dans l’alcool huit jours durant, ce qui lui vaut des menaces de sanctions universitaires et des tracas infligés par sa logeuse. Il est alors tout disposé à conclure un pacte avec le diable, ou à s’engager dans une relation aussi secrète que blasphématoire avec le Soleil ou la Lune. Le malin ne se présente pas à lui, mais il parvient en revanche à se rendre sur la Lune, en empruntant une échelle de corde qui le mène jusqu’à une vieille cabane en bois. Bien que son séjour lunaire lui réserve la déconvenue d’une vie très provinciale, d’un confort rudimentaire, il lui permet de survivre ainsi quelques millénaires, quelque part entre ciel et terre, sans pour autant être reconnu comme un citoyen ni parmi les hommes, ni parmi les dieux.Il s’agit là d’un roman d’Oskar Panizza, un auteur qui occupe une place résolument en marge des écrivains allemands de la fin du xixe et du début du xxe siècle. Tout autant rêveur fantasque que pamphlétaire, Oskar Panizza se laisse entraîner dans ses satires vers le fantasmagorique. Il ne se contente pas de railler la bêtise humaine et celle de la société dans son ensemble, la nature ne trouve pas davantage grâce à ses yeux. Dans ses histoires, Panizza nous entraîne aux confins de l’humour et des aberrations de la création.

« Oskar Panizza est un peintre d’icônes hérétiques », Walter Benjamin

« La Lune est une cabane rebondie construite jadis par un bohémien ingénieux, qui vague dans l'attraction de la Terre, à quelques heures de marche. Régulièrement des causes célestes provoquent l'incendie de son revêtement goudronné, que l'homme disjoint alors de la baraque. Il rassemble cette masse incandescente, l'ensache et descend l'enterrer sur la Terre, aux environs de Leyde. La maigreur de cet être lunatique se joue des barreaux des caves : il s'y pourvoit d'onctueux fromages bataves, que sa famille adore, vole du goudron neuf, des objets, et rentre chez lui, ahanant sur sa longue échelle de corde. Telles sont les contraintes écrasantes d'une vie libre. Mais le bohémien a dû les accepter, quitter la Terre qui appartenait à d'autres, et s'installer périlleusement au-dessus des lois. Un conte fermement bâti dans le vide, une histoire solide comme une bulle de savon. » J. Ch., L'Événement du Jeudi.